Ralentir peintures
J’ai répondu, ainsi que d’autres peintres et plusieurs critiques d’art, aux questions d’Antoine Perrot pour la revue « Ralentir Peintures ».
L’enquête dans son entier est consultable sur le site « Pratiques picturales » (UMR 8218, Art, création, théorie, esthétique / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / CNRS) :
http://pratiques-picturales.net/article30.html#molk
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Questionnaire « Ralentir Peinture » / Marc Molk
1. À quelle peinture avez-vous affaire ou souhaitez-vous avoir affaire ?
Marc Molk : Tout ce qui est peint me concerne. Je m’arrête parfois dans la rue devant des murs sur lesquels la pluie a métamorphosé poussières et saletés en paysages chinois. Mon regard est terriblement blasé. J’espère chaque jour l’horizon peint qui le désennuiera, qu’il surgisse sous ma main ou partout ailleurs.
2. Vous apparaît-il qu’existe quelque chose comme « un lieu pictural », qui serait ou ne serait pas celui de l’image ?
MM : Le mot « image » n’évoque rien pour moi. Je lui préfère celui de « représentation ». Il existe dans le monde des endroits, des tableaux (ou des murs comme ceux dont je vous parlais), qui sont les lieux d’apparitions singulières. Certains pans du réel se présentent à nous comme des représentations. Ils sont des représentations « dans le monde », incarnées. Du Monde Intelligible concret, pour faire vite. Il ne s’agit pas toujours d’images au sens figuratif ou simplement délimité du terme. La simple sensation d’avoir affaire à un lieu de représentation peut parfois suffire. Ainsi le cadre vide d’une colonne Vendôme peut s’imposer à nous comme « un lieu pictural » alors même que ne s’y placardent habituellement que des affiches de théâtre et qu’il est vide au moment où nous l’admirons.
3. Pouvez-vous donner des exemples, où l’utilisation de la peinture comme argument vous a énervé(e) ?
MM : Chaque fois que l’on a utilisé le mot peinture devant moi contre la peinture elle-même. Le plus souvent quand on s’imaginait en donner une définition restrictive ou que l’on tentait de lui assigner une finalité unique.
4. Y a-t-il des pratiques ou des discours qui, parce qu’ils bousculeraient la peinture, vous laissent perplexe ou vous semblent vivifiants ?
MM : Je ne prends en compte à propos de la peinture que les propos des peintres. Le reste n’existe pas vraiment. D’ailleurs je ne lis avec grand intérêt, et le risque que cela m’atteigne, que les propos des peintres dont j’admire l’oeuvre peint. Je suis bien plus souvent bouleversé par des tableaux. On est parfois renversé par une voiture, presque jamais par le bruit d’une voiture, encore moins par un cerf-volant.
5. Pourquoi la peinture se maintient-elle ?
Pourquoi la Musique se maintient-elle ? Pourquoi ne s’interroge-t-on jamais sur la persistance de la Musique ? Pourquoi l’idée saugrenue que la peinture pourrait s’éteindre se maintient-elle ? La Philosophie voit-elle, à ce point, une concurrente dans la Peinture ? Attendre, craindre ou espérer la fin de la peinture, n’est-ce pas l’avatar contemporain d’une iconoclastie brutale, rendue subtile et totalitaire par les efforts de la pensée pour la dissimuler ? Comment peut-on espérer arracher les yeux de tous les hommes sur la Terre ?